Emmanuel Charrier : « Une jeune appellation doit être une porte d’entrée vers les plus prestigieuses »

Cela fait quinze ans qu’il est à la tête du domaine de l’Epineau, situé à Saint-Martin-sur-Nohain, en pleine région Centre-Val-De-Loire. Emmanuel Charrier a quasiment vu naître l’appellation d’origine contrôlée (AOC) Côteaux-du-Giennois, crée en 1998. Il est l’un des quarante vignerons que compte cette appellation, voisine des prestigieux Sancerre et Pouilly fumé. L’homme vient de rentrer en cave la récolte de ses 9 hectares de vignes. L’occasion d’évoquer avec lui le millésime 2019 et la place tenue par les appellations montantes.

Les vendanges viennent de se terminer il y a quelques semaines. Quel est votre bilan de ce millésime 2019 ?

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Emmanuel Charrier. Photo DR/E.C.

« Le millésime 2019 a clairement été marqué par la sécheresse. Cet été, nous étions en déficit de 300 millimètres de pluie. Ce manque d’eau, ainsi que les épisodes de fortes chaleurs ont engendré un gros stress hydrique de la vigne et en conséquences, des maturité tardives. Dans la région, nous avons eu des rendements au rabais. J’ai récolté environ 50 hectolitres par hectare. On est bien loin des 65 hectolitres autorisés par notre appellation. Les premiers jus sont cependant très qualitatifs. Ils laissent présager une belle aromatique ! »

La sécheresse et les canicules entrainent, en cave, une montée en degrés des vins. Certaines régions – telles que le Beaujolais ou la Bourgogne – en tirent bénéfices, voient leurs vins s’étoffer. Qu’en est-il pour vous ?

« Je ne suis pas certain que nous ayons quelque chose a y gagner sur la qualité de production, de notre côté. Nos vins plaisent pour leur fraîcheur, leur vivacité. Pour l’instant, nous arrivons à la contenir par diverses techniques. Cette montée en degré d’alcool pourrait alourdir les vins si elle devenait vraiment trop forte… Mes rouges sont actuellement à 13,5°. Mes Sauvignons blancs oscillent entre 12,5° et 14°. C’est 1 degré de plus que les indications de l’Inao, Institut de l’origine et de la qualité des vins. »

Pensez-vous que le réchauffement climatique pourrait bouleverser les AOC ?

« Je ne sais pas…Ce qui est sûr c’est que depuis plusieurs années, les choses changent énormément à la vigne comme au chai. Canicules, sécheresse, épisodes de gel impactent la viticulture de plein fouet. C’est pour nous une constante remise en question. Certains vignerons, souvent de la jeune génération, évoluent, font bouger les choses, tentent de nouvelles façon de travailler pour pallier aux problèmes liés au réchauffement climatique. Les solutions techniques existent. Cependant, on doit souvent faire face à des organismes administratifs qui eux, restent dans leur façon de fonctionner. Et le cas se constate dans les appellations anciennes comme les plus récentes, telles que les Côteaux-du-Giennois. »

Comment une jeune appellation trouve t-elle sa place entourée de deux « poids lourds viticoles » tels que Sancerre et fumé?

« Le cheminement n’est pas le même. Des vins issus d’appellations telles que Sancerre se vendent facilement. Les domaines n’ont généralement pas à rechercher des clients. Leur préoccupations se situent davantage sur le rendement. S’il est trop faible, là ils perdent des clients. Pour une jeune appellation, l’enjeu est de se faire connaître auprès du public et des professionnels du vin. Le consommateur n’est plus un buveur d’étiquette. Pour se faire une place aux côtés des ‘grands’, il faut mettre en avant les spécificités du terroir et raconter une histoire autour du produit. Une jeune appellation doit être une porte d’entrée vers les plus prestigieuses. »

Quels sont les avantages d’oeuvrer dans une petite AOC ?

Emmanuel Charrier produit des vins blancs et rouges. Photo DR/E.Charrier.

« Aujourd’hui, les Côteaux-du-Giennois n’ont rien à envier aux autres qualitativement. Les vins sont d’excellent rapport qualité prix, et les terres sont plus abordables lorsque l’on veut s’installer ou s’agrandir. C’est aussi une façon plus libre de travailler, moins codifiée pour nous autres producteurs ».

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